jeudi 11 mars 2010

Septième jour, déjà. Dans notre microcosme de nomades, le temps semblait comme arrêté. Pourtant, il va falloir en profiter pleinement aujourd’hui car demain, tout ceci sera du passé. Voilà maintenant trois jours que l’on n’a pas pu profiter de la lumière du soleil pour agrandir un peu les courbes. Mais ce matin, il semble que le ciel soit avec nous. Dès notre réveil, une éparse masse brumeuse bouche l’entrée du Val d’Hérens, mais en quelques heures, seuls les plus courageux nuages demeurent accrochés aux hauts sommets avoisinants. Nous roulons lentement, en direction d’Arolla, en quête du Graal pour terminer notre trip en beauté.


Dans la facilité, nous aurions pu nous contenter d’Evolène, vu que nous n’y sommes jamais allés par beau temps. Par curiosité, nous abattons quelques kilomètres supplémentaires pour atteindre le fond de la vallée et prendre un peu d’altitude pour un vrai bol d’air pur. Arolla, pour faire simple, c’est Chamonix il y a cent ans. Un fond de vallée, surplombé par des faces majestueuses (dont la Nord du Pigne d’Arolla, 3796m), entouré par des glaciers venants de toute part… Bref, ici c’est ambiance haute montagne. La première remontée, exclusivement faite d’une succession de tire-fesses (trois des quatre que compte la station), sera là pour me le rappeler. Le visage tuméfié par le froid (un bon -14°C sans le vent), je ne peux que rester ébahi devant ce qui s’offre à moi.


Plus l’on monte et plus j’ai l’impression d’être encore dans mon duvet : le rêve de tout freerider. De larges faces, des couloirs, des barres, du dénivelé et d’énormes quantités de neige… Tout y passe. Seul petit bémol, tout ceci semble un peu loin, voire inaccessible sans peau de phoque ni tondeuse. Malgré tout, avec un peu d’imagination, nous ne devrions pas nous ennuyer. Sitôt arrivés au sommet de la station, un aimable pisteur (qui a dit freerider ?) ne se fait pas prier pour nous renseigner quand à l’itinéraire de la Gouille. D’ici, nous devrions pouvoir rejoindre ce petit hameau situé 1200m plus bas.


Dans la partie haute, c’est décor de cinéma. De la neige à outrance qui vole comme plume au vent sous nos spatules, des rochers, de la pente. On a du mal y croire. Et même si quelques skieurs matinaux nous ont précédés, ce n’est pas la place qui manque pour se frayer un chemin. Malheureusement, le vent a soufflé fort dans la nuit, ce qui rentra la suite de la descente moins agréable que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Mais tout de même, quel bonheur que ce premier run. Sagement, nous retombons sur la route qui mène à la station. Vingt minutes de marche nous attendent pour la regagner.


Une formalité sous cet éclatant soleil. La première rotation bouclée, il nous reste à dresser la table pour la fin de journée. Depuis que nous sommes sortis du camping car, une face, surplombée d’un joli couloir attire mon regard. Situé en marge de ce qui semble être un téléphérique désaffecté, elle semble accessible au prix de quelques calories. En fait, son départ se situe sur l’itinéraire de randonnée qui mène au fameux Pigne d’Arolla… Sauf que nous ne sommes pas équipés pour ça ! Il va falloir ruser. Patiemment, nous gagnons le départ d’une crête longeant l’itinéraire répertorié. Sur celle-ci, la neige est soufflée. Les appuis tiennent et la montée ne devrait pas être trop fatigante. Chacun à notre manière et à notre rythme, nous gagnons peu à peu le départ du run. Le vent souffle fort. Au moment d’ôter les skis de mon sac, je me sens comme dans une centrifugeuse, tout tourbillonne ; mais un simple regard vers le décor qui m’entoure me fait oublier que j’ai les doigts glacés. En admiration devant ce spectacle, je salive déjà de skier dans un tel cadre.

Nous hésitons quand au départ du couloir que l’on avait zyeuté. Popo et moi sommes d’accord. Eric, le premier arrivé, trace et nous donne les infos par radio. Sur le haut c’est soufflé et vitré, par contre, en bas… Une pente idéale, une neige épaisse et froide, le tout avalé à une vitesse supersonique. Enfin une journée comme on les aime : un ciel bleu et glacial, un peu de marche et du grand ski. La journée se termine bientôt, nous en profitons pour gouter encore une fois à ces décors grandioses et cette excellente neige. Popo et Eric bâchent. Seul je m’en vais pour un dernier run de l’autre côté de la station histoire de signer encore une face avant de ranger les lattes pour de bon.



A mon retour, Popo et Ricco ont eu la merveilleuse idée de dresser le casse croute sur le salon de jardin du camping car. Sous la Dent Blanche et par un bon moins dix, nous savourons le dernier moment de partage de notre trip. Un vrai bonheur. L’épilogue reste à écrire, mais ça, l’accueil chaleureux que l’on devrait recevoir dans la station de Popo devrait s’en charger.

mercredi 10 mars 2010

7h30, je sors peu à peu de mon sommeil. Les yeux collés, synonymes d’une nuit réparatrice, j’ai du mal à distinguer la couleur du ciel dans la lumière naissante. Il semble quand même que ce soit bleu. Je sors du camping car pour vérifier cela. En effet, c’est bleu, mais au loin les nuages arrivent, il y a peu de chance que ça tienne toute la journée.





Le temps d’avaler un petit déj’, le ciel se dégage encore. Je commence d’y croire et me voit déjà skis sur le dos à marcher sur les crêtes. Mais l’espoir aura été de courte durée, puisque le temps d’arriver aux remontées, les nuages ont envahi les cieux et semblent confortablement installés autour du Pic d’Artsinol et de la pointe de Vouasson (3489m).














Nos projets sont donc une nouvelle fois compromis. Heureusement la forêt a su conserver la neige dans un état plus qu’honorable tout du moins sur le haut. Nous voilà donc repartis pour les mêmes rotations que dimanche. Mais la fatigue se fait sentir. Chutes inhabituelles, douleurs, positions fébriles. Force est de reconnaître que nous commençons de puiser dans nos réserves.



Pauline s’arrêtera à la fin de la première rotation. Eric et moi tenterons d’en faire une autre. L’amélioration de la visibilité nous oriente du côté de la Vouasson, mais celle-ci ne durera pas. Et c’est dans le jour blanc le plus total que nous rejoindrons la forêt, où la neige, bien réchauffée, oubliera de nous procurer du plaisir. Mieux vaut arrêter là pour aujourd’hui. Allons nous ruer sur une raclette en regardant tomber les flocons. En attendant demain, dernier épisode du périple
.

Ce matin, le réveil est difficile. Partis hier soir à la rencontre de l’helvète, la gentillesse et la générosité de ceux que nous avons rencontré nous ont joué des tours (Si vous êtes dans les coins, allez donc faire un tour au Shadock, Stéphane, le patron, y est des plus accueillant). Un mal pour un bien car aujourd’hui à l’inverse de ce que nous pensions, il fait mauvais et assez doux. Impossible une nouvelle fois, de faire ce que nous avions prévu.




Nous nous accordons donc une grasse matinée en attendant midi pour voir si le temps se dégage afin de prendre un forfait demi journée. Peu à peu la luminosité s’améliore. Midi et demie me voilà parti avec Popo, Eric ne se sentant pas très efficace aujourd’hui. Nous décidons d’aller voir en direction du Roc de la Tsa (2911m) mais le manteau neigeux ne nous inspire pas trop. Fatigués nous ne sommes peut être pas prêts non plus à s’enquiller trois quarts d’heure de marche. Nous reportons notre choix sur les couloirs de la combe d’Abondance. Moins longs mais assurant une neige de qualité ces runs auront de quoi nous satisfaire pour cette demie journée plutôt tranquille. Mais pas tant que ça finalement.


Eric s’est décidé à nous rejoindre. Un troisième passage dans les fameux couloirs histoire de les crayonner un peu plus et nous voilà partis en direction d’autres couloirs situés en plein cœur de la station. Repérés deux jours avant, ils semblent faciles d’accès et assez intéressants à skier. Bingo, la neige y est bonne, la pente d’une raideur nécessitant toute notre attention. Pas si mal pour une journée tranquille, qui en plus n’est pas tout à fait terminée. Si Eric décide d’aller se dégourdir les jambes sur les pistes d’une rare perfection, Pauline et moi souhaitons finir la journée en rendant une nouvelle fois visite à la face Nord du Roc d’Orzival.

Le soleil est presque de la partie derrière son léger voile nuageux. Les traces des jours précédents ont été sagement recouvertes, ce qui nous permet de nous envoyé bien comme il se doit. Les courbes tendues au maximum par rapport à l’état physique du jour, je cicatrise la face jusqu’à la liquéfaction de mes cuisses. Un peu moins en jambes ( tiens ! Pourquoi donc ? ), Popo me rejoins à son rythme savourant pleinement ce qui nous est offert. Personne autour de nous, c’est un véritable régal, d’autant que la neige est d’une douceur exemplaire. Nous finirons la journée autour d’un café en attendant la navette, finalement bien contents d’avoir pointé le bout de notre nez dehors, ça en valait quand même la peine, même si le soleil commence de se faire attendre. Visiblement, ce n’est pas pour demain non plus. Nous retournons donc à Evolène.

Ce matin, réveil matinal. 7h16 je suis déjà devant ma tasse de thé, et reste songeur quand au ciel qui se propose à la fenêtre. Contrairement à ce qui avait été annoncé, c’est bien gris et quelques flocons commencent à tomber. Pessimistes par rapport aux lignes repérés la veille nous préférons nous orienter vers Ovronnaz.
S’il neige là bas, ce sera ski de forêt jusqu’à l’overdose, sinon nous irons voir ce qui se passe dans les établissements thermaux de la station.


Une heure de route plus tard nous voilà débarqués dans la quatrième station de notre sélection. Là encore, l’ambiance semble familiale, même si la station en elle-même semble un peu plus huppée que ce que nous avons rencontré jusque ici. Quelques flocons accompagnent notre première remontée mais rien d’apocalyptique comme nous l‘espérions dans nos rêve les plus fous. Nous taillons rapidement en direction d’une des lignes repérées.
















Si sur le haut la neige est pas mal du tout, quelques mètres en dessous ça se complique. Certaines orientations ont bien pris le soleil et les lignes potables ne sont pas simple à trouver. Sans cesse en observation nous ne profitons pas vraiment des runs. La journée s’annonce plutôt triste. Comme prévu, nous risquons de nous retrouver rapidement dans les piscine d’eau chaude… Jusqu’à ce que… notre nouvelle recrue justifie notre choix de l’avoir emmener avec nous.
Question connerie, elle a du niveau la miss ! « Hey les gars ! Si on se faisait une descente en maillot de bain ? » Bons clients nous ne nous faisons pas prier pour aller nous équiper. Maillots de bain et serviettes, ARVA, pelle, sonde et skis au pieds, nous voilà partis pour le télésiège. La remontée est fraîche, mais nous vaudra quelques bons fous rire autant que la descente qui laissera un paquet de spectateurs bouche bée en nous voyant.






C’est dans la boite nous pouvons maintenant aller profiter des bains. Deux heures salvatrices dans l’eau chaude nous permettront de contempler ce à côté de quoi nous sommes passés. En fin de journée, le soleil fait son apparition comme pour nous narguer… Dommage. Pour demain ça semble tout bon retour à Grimentz pour tracer ce que nous avions initialement prévu.

lundi 8 mars 2010

Grimentz, petit joyau situé au cœur du Val d‘Anniviers près de Sierre. Ici, l’ambiance est au ski de famille (oui encore, on vous avait prévenu quand au choix des stations ! ). La superficie de la station suffirait à y implanter des centaines de pistes, pourtant, se sont seulement sept remontées qui se partagent cet espace magique. Le cadre est grandiose. Un ciel radieux nous accueille. Plusieurs sommets dépassant les 4000m nous contemplent. La neige est tombée hier. Nous sommes dans les premières bennes. De là, toute les faces nous appellent. Certaines semblent plaquées, d’autres soufflées, d’autres peut être un peu loin pour aujourd’hui vu tout ce qu’il y a à faire avant de mettre les skis sur le dos.




Nous prenons la direction du Roc d’Orzival (2853m). La face sud manque cruellement de neige, en revanche, face à elle, les couloirs Nord de la combe d’Abondance, ne demandent qu’à perdre leur virginité. Bénéficiant d’un nombre de lignes impressionnant, nous en profitons pour nous caler bien comme il faut, afin de faire quelque vidéos du plus bel effet. Chacun son couloir, c’est du régal. Simplement un peu court. Il en sera ainsi sur 4 faces sur le secteur de Bendolla, toutes vierges de trace, malgré l’heure qui avance. En France, tout aurait été déchiré en quelques heures, ici, pas besoin de se presser pour apposer son sceau dans une des nombreuses faces que le domaine propose, à portée de spatules. Tracer, c’est bien, mais maintenant que les moteurs sont chauds il nous faut du dénivelé.





















Cette fois ci les caméscopes sont restés dans le sac, place au grand ski. Nous voilà partis pour le Roc d’Orzival à nouveau, version face Nord cette fois ci. Somptueux. Quelques valeureux skieurs nous ont précédés. Qu’importe, vu le terrain de jeu, on ne devrait pas se marcher dessus. J’ai le privilège d’ouvrir un couloir. Le run me parait sans fin. Les mouvements de terrain m’offrent autant de variations de vitesse. Bien posé sur les lattes, la neige est excellente et j’en oublie la douleur des cuisses qui commencent à chauffer. Eric et Popo me rejoignent sans traîner C’est propre et efficace.
























Chacun sa ligne, droit dans la pente, on en redemanderait presque. Ça tombe bien c’est pas fini. Le même en moins long et moins raide nous attend, avant de regagner la forêt qui doit nous amener à Saint Jean, où une navette nous ramènera jusqu’à Grimentz. Quelques peu hésitants sur les traces à suivre nous optons avec l’aide de la carte pour faire la notre nous même. Un agréable passage entre chalets et sapins nous procure encore du plaisir mais quelques mètres plus bas ça se complique un peu.





La forêt se densifie, la neige vient à manquer et c’est après moultes péripéties que nous retombons enfin sur ce qui semble être un chemin de raquettes. Se retrouver coincé au milieu d’une barre dévalisée de toute sa neige par Pauline, ou encore le cul dans un torrent, resteront des souvenirs impérissables de ce run. Assez plaisanté, il nous reste à regagner le village de Saint Jean. La navette passe dans quarante minutes ce qui nous laisse le temps de flâner au soleil en sirotant un breuvage réparateur.












Nous voilà dans la navette. Vue l’heure nous avons le temps de se mettre une dernier gros itinéraire. Le Bec des Bossons (3148m) nous ferait presque envie. En revanche l’orientation de la face principale nous laisse douter quand à la qualité de la neige. D’un commun accord nous décidons de reprendre le même itinéraire que précédemment en décalant légèrement le départ. Malheureusement la soleil est tombé et la lumière manque un peu. La première grosse partie nous procurera un peu moins d’émotions qu’en fin de matinée mais quand même c’est du tout bon.





Cette fois ci nous ne nous tromperons pas de chemin pour regagner Saint Jean et en une heure la boucle est bouclée. Rassasiés, satisfaits de s’être mis enfin une grosse journée freeride digne de ce nom nous regagnons sagement le camping car. Déjà en avalant saucissons et fromages de montagne nous nous projetons sur la journée du lendemain. Si tout va bien toute la panoplie du Val d’Anniviers devrait y passer.

Nous venons de passer la nuit aux Haudères. Ce matin le ciel est bouché. Quelques centimètres de neige ce sont déposés sur le camping car. Visiblement nous avons fait le bon choix. Cette station offre, parait il, ce qui se fait de mieux en ski de forêt, nous allons voir ça. 9 heures, nous arrivons sur ce qui semble être le parking de la station. Un vulgaire espace boueux, gardé par Dédé, LE policier municipal qui veille au grain sur quiconque souhaite se garer. Gentiment il nous accueille, en nous laissant comprendre qu’hier c’était plein : « J’ai fait 1500 hier, 1500!!! Mais aujourd’hui allez y mettez vous ou vous voulez ce sera tranquille ».


Le cadre est posé, l’ambiance détendue. Ici c’est ski en famille. Au milieu de deux étables, apparaît la caisse des remontées, puis, un peu plus loin, un télésiège d’une autre époque. La neige se fait désirer sur le bas de la station, la forêt semble un peu trop dévêtue à notre goût. Montons quand même, nous verrons bien. Là haut, deux pioches se partagent la montagne, rien d’autre. Nos voisins suisses savent y faire en matière de préservation de l’environnement. Et c’est tant mieux pour nous.




Au sommet de la station, le voile nuageux laisse parfois transparaître un soleil voilé. Suffisamment pour nous laisser contempler l’envers du décor. Un vaste cirque partant du Pic d’Artsinol (2997m) à la pointe de Mandelon (2559m) offrirait des lignes pour tout un régiment. Aujourd’hui, nous ne sommes que 3, il va y avoir du boulot. Nous voilà partis pour ce premier run. La visibilité est médiocre, prudence donc, même si la neige est extra…



Jusqu’à ce que, après une traversée pour gagner le reste de l’itinéraire, nous nous retrouvions dans une face plaquée comme jamais. Même configuration que la veille à Zinal, le manteau supérieur repose sur une épaisse couche de gobelets, sauf que cette fois, nous y avons les lattes dessus. Il faudra faire gaffe, éviter les appuis brusques, ne pas se quitter du regard, prévoir un échappatoire et croiser les doigts. Ça passe pour tous les trois, tant mieux, en revanche pas question de remettre les spatules ici. Dommage, ça avait l’air juste énorme, mais dans cette partie de poker, la montagne a la main, mieux vaut se coucher. Nous continuons sagement la descente qui nous mène dans une large clairière.

La neige s’y est déposé en grosse quantité. Les mélèzes s’y sont implantés en nombre limité, de quoi nous faire apprécier le relief tout en tendant un maximum les trajectoires. Magique ! Jamais un run en forêt ne m’avait procurer autant de sensations.


Tout est vierge, nous sommes perdus au milieu du Valais Suisse, la forêt semble nous appartenir. Vus les conditions sur le haut et la longueur des rotations, nous ne sommes pas partis pour en faire beaucoup aujourd’hui. Nous en profitons donc pour essayer de faire quelques prises de vue, d’essayer de trouver les meilleures lignes possibles à travers les arbres pour se gaver comme il se doit. Deux heures trente plus tard, la première rotation est terminée.







L’objectif est de remettre le couvert, sans passer par la case avalanche, en commençant donc le run un peu plus bas directement dans la forêt. Seul dans le télésiège je perds tout repère temporel. Sa lenteur soporifique m’apaise, les précipitations s’accentuent, c’est comme dans un doux rêve. Une fois en haut, nous connaissons la recette cette fois ci. L’un part devant et se gave, avant de filmer les deux autres lancés comme des avions (jusqu’à ce qu’un arbre les arrête).




Il en fut ainsi jusqu’à environ quinze heures, l’heure à laquelle nous estimons avoir notre compte pour aujourd’hui. Il y a des jours où il faut savoir être sage, cela ne nous a pas empêché d’en profiter pleinement et d’aller débriefer tranquillement autour d’une mousse. La traditionnel casse croûte de fin de journée avalé, nous profitons de l’accueil chaleureux du camping Molignon à Evolène pour faire un petit peu l’entretient des skis et les pleins du camping car. Ce soir nous mettons le cap sur Grimentz.




Un trip sans péripétie n’existe pas, ou tout du moins, s’il en est, il marque moins les esprits. Du coup, afin d’être sûrs de garder un souvenir de notre deuxième trip freeride quelques soient les conditions rencontrées, nous voilà partis à Aluze, en Saône et Loire, pour récupérer notre moyen de locomotion pour ce séjour. Un camping car six place nous attend… à Saint Etienne ! Le propriétaire et moi étions persuadés de l‘endroit de rendez vous… mais non. Quatre heures de routes pour rien, des frais d’essence, de péage… Tout ceci commence fort !


Un plat de pâtes avalé, les provisions faites, nous prenons la route de la Haute Savoie vers 17 heures. Pauline nous y attend après sa longue, très longue semaine de travail. Son paquetage chargé, nous prenons tous les trois la route de la Suisse. La neige recouvre déjà la route et Hermann le douanier (c’est comme ça que nous appellerons ce cher moustachu), n’hésitera pas à nous contrôler à la frontière. En règles, malgré notre petite roumaine sans papiers, nous passons le Pas de Morgins et filons en direction de Zinal. Après avoir quitté l’autoroute, la route s’élève brutalement. Pauline et Eric se laissent bercer par les virages. Je prends mon mal en patience pour venir à bout de ce chemin qui me semble interminable. D’énormes masses de neige se sont accumulées les jours précédents. Le temps semble être figé ici. Les hameaux traversés sont d’une autre époque, deux biches traversent la route et me fixent longuement de leur regard lumineux. Bienvenus dans le Valais. Une heure du matin, nous voilà à Zinal, première étape de notre road trip. Une nuit courte et glaciale nous attend.


Le jour à peine levé, une horde de touristes interrompt notre sommeil. Pour eux, c’est l’heure de quitter la station, toujours des concurrents en moins dans les runs. 8 heures, le réveil sonne. Au pied du téléphérique, nous profitons d’un majestueux ciel bleu qui nous donne le sourire. Dominés par le Zinalrothorn (4421m) nous avalons rapidement un petit déjeuner. Manquant un peu de marque dans notre habitation de fortune, nous prenons du retard au démarrage. 10 heures, nous voilà enfin en haut de notre premier run. Un large face bien éclairée mais manquant un peu de longueur. Les sensations sont bonnes, même si la neige n’est pas la meilleure que l’on ai connue. Une heure et 3 rotations plus tard, voilà neuf signatures dans la face. Seules nos spatules l’ont parcourues ce matin. C’est aussi ça la Suisse, et c’est pour ça que nous sommes là aujourd’hui.







Après avoir pris soin de crayonner correctement l’autre versant de l’arrête de Sorrebois dans une neige bien meilleure, nous décidons d’aller inspecter du côté de la combe Durand. Skis sur le dos, nous entreprenons une marche devant nous mener sur une crête. Le run, visible depuis la station, semble long et d’une pente régulière. Bien éclairé malgré le voile nuageux qui s’installe, il devrait nous procurer nos premières grosses sensations.


Après quelques mètres de marche, nous nous retrouvons dans une véritable piscine à billes. Sous la première couche de neige, se cache une énorme épaisseur de gobelets, n’offrant aucune cohésion, dans lesquels on s’enfonce jusqu’aux c…uisses. Trop dangereux, c’est certain que ça nous file sur les pieds : demi tour. Un pisteur approuvera notre décision, il en est ainsi ici depuis le début de la saison. Nous clôturerons donc la journée par la descente sur le village de Mottec (merci le skiman pour l’itinéraire enfoiré… « on fait comment pour descendre à Mottec ? / Par la piste / Et les hors piste ? / Y’a pas de hors piste ! » Le roi des charlots ! ).











D’abord au milieu d’une large face surplombée par une corniche et longeant une piste, nous nous retrouvons rapidement au milieu d’un chaos rocheux. Des pillows énormes se dressent devant nous. Malheureusement, nous ne pourrons emprunter cette ligne, d’énormes trous la parsèment. Nous reprenons sagement la descente par un chemin forestier guettant la moindre ouverture pour couper à travers bois.


Ne connaissant pas l’endroit, nous hésitons, jusqu’à ce qu’Eric ait un coup de flair. Tu passes par là ? lance Popo. Sa phrase pas terminée, Eric découvre la ligne et hurle. C’est du tout bon. De la pente bien raide, des pillows joueurs, des biches qui nous guettent, de la grosse neige… Que demander de plus pour clôturer ce premier épisode.


Euphoriques, nous regagnons sagement le village de Mottec. Quelques skieurs nous accompagnent pour attendre la navette nous ramenant à Zinal. 16h 30, il est temps de casser une croûte avant de prendre la route pour notre seconde étape. Demain c’est neige, ce sera donc ski de forêt à Evolène, à moins qu’une éclaircie nous permette par exemple d’aller saluer le Pic d’Artsinol.

La Grave, 24 Février 2010.




16 heures, devant un plat de pâtes à la carbonara et une assiette de fromage, témoins de la faim que nous a déclenché une de ces grosses journées que l'on peut passer dans un endroit comme La Grave un lendemain de chute. Pourtant, deux jours plus tôt, jamais nous ne nous serions imaginés ici aujourd'hui.


Depuis la fin de saison dernière et des articles lus ici et là sur les possibilités freeride à l'Alpe d'Huez, nous n'attendons qu'une chose : que les conditions soient réunies pour aller explorer la station la plus populaire de l'Oisans. La neige est au rendez vous. Eric est sur place à Auris et confirme, ça pose régulièrement toutes les nuits, parfait. Sauf que... la veille de notre expédition, la limite pluie neige remonte assez haut, les précipitations s'accentuent. Ça devient craignos pour le lendemain. Mais j'ai des fourmis dans les jambes, deux jours que je n'ai pas skié que déjà ça me manque. Il faut trouver une solution pour optimiser un peu cette première semaine de vacances. Eric étant sur place, il faut trouver quelque chose à se mettre sous la dent dans les coins. Ça y est, je l'ai ! Mais oui ! Mais pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt, La Grave bien sur !!! Rendez vous est pris pour demain, 8 heures au croisement des routes du Lautaret et d'Auris. Malgré une neige lourde qui s'abat par pelletées sur mon pare brise, je suis à l'heure. En revanche, Eric a du mal à descendre de la station et accuse 45 bonnes minutes de retard. Ça sent le moisi, il serait mieux d'être dans les premières bennes pour pouvoir tracer.




Coup de bol, après une grosse demie heure de route en mode chasse neige, nous voilà sur le parking. Le téléphérique n'est pas ouvert. Nous faisons au plus vite pour nous changer et nous glisser dans la file d'attente. Le patroller nous annonce que les Ruillans sont fermés, il faudra se contenter de la forêt, mais bon, il devrait y avoir de quoi faire... La première montée est là pour nous le confirmer. Les lignes se devinent à travers les mélèzes, avec plus ou moins de pente. Mais sous les câbles, personne n'est passé, pourquoi se compliquer la vie. C'est parti, nous voilà lancé dans 50 cm de fraîche, posée sur des bosses bien dures. Les cuisses chauffent d'entrée, mais la barbe est blanche tellement ça gicle. C'est juste trop bon ! La première rotation jusqu'à P1 est vite bouclée. Nous revoilà en haut, et cette fois ci, nous optons pour les vallons de la Meije en coupant par une petite forêt. C'est du tout bon : de la pente, grosse neige, des mélèzes suffisamment espacés pour que les skis survolent le tout. Le bas de la descente se fait dans une neige plus lourde mais agréable tout de même. Si bien que nous réitérerons la chose encore deux fois, avec, en prime lors de la deuxième, un départ dans le jour blanc le plus total et une belle coulée (prévisible) qui dégueule sous mes lattes dans un passage plutôt engagé. Ça passe, c'est souple, c'est doux...on en redemande. Pillows et clairières s'enchainent pour notre plus grand bonheur.


La fin de journée est arrosée de soleil ce qui nous gratifie d'une vue splendide sur la Meije et le Rateau, platrés comme jamais. Les glaciers bleutés scintillent et transparaissent dans ces immenses faces. Un cadre idyllique pour les photographes... que nous ne sommes pas aujourd'hui, Ricco a oublié le matos. Pas grave, on en profite pour enchaîner des rotations raccourcies en dénivelé, mais d'une qualité exceptionnelle sur le haut. 15 heures, pas une minute d'arrêt depuis ce matin, nos cuisses abdiquent, on a notre compte. Curieusement, peu de riders qui étaient avec nous ce matin dans les bennes sont toujours présents, à croire que nous sommes en cannes...ou qu'on est vraiment des acharnés ! A la Grave, il fait bon être matinal pour tracer sereinement, mais c'est pas mal non plus de terminer la journée, quasiment seul dans ces immenses vallons. Et même si les cuisses sont vides, la dernière descente s'apprécie à sa juste valeur... surtout quand on sait que le débrieffing va se faire devant un bon plat de pâtes !!!

 

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